Témoignage longtemps étouffé dans les caves d’un asile américain, et exhumé aujourd’hui pour dire la folie asilaire, la double impasse, l’impossible hors-la-loi de la folie des femmes, de la cellule familiale, à la cellule capitonnée. Dans une langue gangrenée de toutes parts, et lâchant par lambeaux, une langue très peu littéraire, très hétéroclite, Lara Jefferson, entre deux crises, entre camisole et apomorphine, entre deux pans d’un savoir psychiatrique bien lézardé, pousse ses borborygmes de révolte. Langue de lave et de soufre, dévorant les terres d’une raison morte, pétrifiée, fossilisée : ça pense, dit-elle, et ça s’écrit comme ça peut, à la sauvette. L’asile héberge aussi des névrosées tout bonnement taraudées par l’angoisse d’être folles, qui écrivent de bric et de broc, petit mot noir après petit mot noir, brèche à brèche dans l’idéologie les emmurant de tous côtés.
- 1978
- 256 p.
La Presse en parle
Une fois de plus, on se trouve confronté à l’insoluble question de tracer la frontière entre folie et raison. Mais, ici, c’est la malade qui parle, et qui parle comme vous et moi. Parfois mieux. Car ce n’est pas un livre d’élucubrations délirantes. On n’ose même plus employer une telle expression après l’avoir lu. On ne peut pas ne pas se dire que la conscience aiguë de ce qui se passe au monde, autour de soi et en soi, la lucidité, donc, est l’antichambre de la folie. Est-ce si fou de ne plus pouvoir supporter une existence qu’on a découverte intolérable ? Rosa Laisné, L’Express, 3 juillet 1978